La météo, facteur de risque sur les marchés agricoles
Les inquiétudes concernant les marchés des céréales se multiplient à l’approche du mois de juin. Les incertitudes pèsent notamment en raison de la sécheresse en Russie et l’intensité des précipitations en Europe.
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Dans le tumulte actuel des marchés, les sujets d’inquiétudes et d’incertitudes se multiplient, alors que le mois de juin, souvent crucial, est encore devant nous. La sécheresse en Russie et l’excès de précipitations en Europe perturbent principalement le complexe céréalier. La production de colza/canola est également sous surveillance, à l’heure où les semis sont surveillés de près au Canada et en Australie, et ce, alors que le bilan du soja semble globalement confortable.
Blé : La production russe au cœur des incertitudes
Les éléments de soutien s’additionnent sur le marché du blé. Les sujets climatiques sont nombreux et alimentent la volatilité des marchés agricoles. Le blé meunier rendu Rouen revient à 251 €/t sur la nouvelle récolte, en hausse de +8 €/t sur la semaine, et à seulement 2 €/t du plus haut traité le 14 mai.
En cette période d’incertitudes, le Conseil international des céréales (IGC) abaisse de 3 millions de tonnes ses estimations de production mondiale de blé, à 795 millions de tonnes pour la prochaine campagne. Les opérateurs, notamment financiers, s’inquiètent toujours de la baisse du potentiel de production en mer Noire et tout particulièrement en Russie. Le problème de production est l’élément à surveiller avec des estimations se rapprochant dangereusement des 80-83 millions de tonnes, quand les projections initiales tablaient sur un potentiel supérieur à 90 millions de tonnes. D’ailleurs, le prix du blé russe remonte à 245 $/t Fob Novorossiysk, au plus haut depuis la première quinzaine de janvier.
Outre la Russie, les regards se portent aussi sur les États-Unis. Après un crop-tour rassurant la semaine passée pour le blé HRW au Kansas, la notation des cultures du département de l’Agriculture des États-Unis (USDA) apportait de l’incertitude. L’état des blés d’hiver américain est en effet affiché en recul de 1 point sur la semaine, à 49 % de « bons à excellents », les pluies s’accumulent sur les zones de blé SRW. L’excès de précipitations se fait également ressentir au Canada, ralentissant les semis de blés de printemps, mais aussi et toujours en Europe du Nord-Ouest. En France notamment, la proportion des surfaces en bonnes ou excellentes conditions chute à 63 %, contre 64 % la semaine dernière et 93 % un an plus tôt.
Orge : une météo au cours des tensions
En ce mois de mai, les inquiétudes climatiques sont toujours vives à travers le globe, alimentant les tensions sur le complexe céréalier. C’est ainsi que le prix du blé en nouvelle récolte regagne en fermeté, entraînant dans son sillage celui de l’orge fourragère. Ce dernier s’affiche désormais à 224 €/t rendu Rouen, en hausse de +14 €/t sur les deux dernières semaines. Les prix actuels, pour la récolte 2024, retrouvent ainsi des niveaux comparables à ceux de septembre dernier, ancienne récolte.
Toutefois, les orges fourragères affichent une hausse plus timide que les blés tendres, pénalisées par une demande en berne. En effet, la prime de l’orge fourragère tombe sous les 30 €/t rendu Rouen. Les acheteurs, notamment internationaux, se montrent prudents. Ce facteur vient contenir le rebond des cours, en raison de la dépendance du marché français à l’exportation vers les pays tiers.
Dans le même temps, la météo reste scrutée de près, à l’heure où 66 % des surfaces d’orges d’hiver sont en bon ou excellent état au 20 mai selon FranceAgriMer, contre 90 % l’an passé. Cela sera d’autant plus crucial que la sole d’orge d’hiver a chuté de 5.8 % sur un an, à 1,29 million d’hectares selon Agreste.
Du côté des orges de printemps, les semis tardifs accentuent la vigilance sur l’évolution des conditions de culture. D’ailleurs, la part des surfaces en bon ou excellent état se dégrade de 1 point, à 73 %, loin des 95 % de l’an passé à la même date. Dans ce contexte, la Planet gagne +8 €/t sur les quinze derniers jours, montant à 282 €/t Fob Creil, son plus haut niveau pour la récolte de 2024.
Colza : cap vers les 500 euros par tonne
La fermeté reste de mise sur le marché du colza, qui revient tout proche de la zone psychologique des 500 €/t, à 491 €/t Fob Moselle et retrouvant des plus hauts niveaux depuis dix mois. Il faut dire que malgré le repli récent de l’huile de palme, l’huile de colza maintient une tendance haussière, parvenant à franchir la zone des 1 000 €/t à Rotterdam, une première depuis le mois d’octobre. Il sera intéressant de suivre le dynamisme de la demande, à l’heure où l’huile de colza évolue en prime par rapport aux autres huiles végétales.
Du côté des fondamentaux propres à la graine, la situation semble se tendre du côté de la nouvelle campagne. Les perspectives de production restent incertaines en Europe. Les pluies régulières et le manque de rayonnement depuis plusieurs mois ne rassurent pas et l’évolution des conditions climatiques restera sous surveillance jusqu’aux récoltes. La moindre dégradation des rendements viendra automatiquement augmenter les besoins d’importations des opérateurs européens.
Parmi les principaux fournisseurs à l’échelle mondiale, l’excès de pluies au Canada, dans l’Alberta et le Saskatchewan ces dernières semaines, a retardé le début des semis. La suite des semis et le développement des cultures seront suivis dans les prochains mois, à l’heure où l’activité de trituration prend de plus en plus de place en Amérique du Nord. Il sera intéressant de se tourner également vers l’Australie, où les semis vont débuter et le sec persiste dans l’ouest et le sud de l’île-continent. Ces incertitudes climatiques apporteront de la volatilité sur les cours dans les prochains mois.
En cas de nouvel incident climatique, le marché du colza n’aura d’autre choix que de rationner de la demande, au profit du tournesol ou du soja dans les usines de trituration.
Soja : stabilisation des tourteaux de soja
Les prix des tourteaux de soja retrouvent de la stabilité autour de 455 €/t sur le spot délivré Montoir. Le marché a regagné en fermeté ces dernières semaines, dans le sillage de la hausse de l’ensemble des marchés agricoles. Si les volumes de soja s’annoncent confortables à l’échelle mondiale, la période de risques climatiques est toujours source de volatilité à cette période de l’année.
Il faut dire que les incertitudes sont encore nombreuses du côté de l’Amérique du Sud. Les récoltes progressent en Argentine et sont réalisées à hauteur de 78 %. La Bourse de Buenos Aires maintient pour le moment son estimation de production de 50,5 millions de tonnes, en ligne avec l’USDA (50 millions de tonnes). Les estimations sont plus hétérogènes au Brésil, où l’écart reste élevé entre le chiffre de l’organisme local de la National Supply Company (Conab Brésil) et celui de l’USDA. De plus, les pluies excessives dans le sud du pays, notamment au Rio Grande do Sul, ont causé des inondations et les pertes de surfaces doivent encore être quantifiées.
Enfin, les regards se tourneront du côté des Etats-Unis. La progression des semis est en ligne avec celle des dernières années à cette date. Les surfaces plus importantes cette année rassurent et la production est pour le moment estimée à 121,1 millions de tonnes, tout proche du record de 121,5 millions de tonnes en 2021. Le développement des plantes et l’évolution des conditions de culture resteront sous surveillance jusqu’aux récoltes. Le ralentissement de la trituration depuis le mois d’avril sera également à suivre, bien que l’activité soit record depuis le début de la campagne.
Enfin, en Europe, les volumes disponibles de colza s’annoncent moins importants en nouvelle campagne et pourraient donner l’avantage au tournesol et au soja dans les usines.
À suivre : Conditions météo en hémisphère Nord, estimations de production de blé en Russie, progression des semis de blé, orges et canola au Canada et en Australie, avancée des semis de maïs et soja aux Etats-Unis, dynamique des achats chinois, prix des huiles végétales, rythme des importations européennes de colza.
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